lundi 20 octobre 2014

L'Ironie !!!!



Objet d’étude : Persuader, Convaincre, Délibérer

 

Zone de Texte: Un procédé de style pour persuader : l’ironie chez Voltaire – Le conte philosophique – Candide de Voltaire

( Source : Inventaire Voltaire, Editions Gallimard – Article  « Ironie » )

  1. Définition de l’ironie : C’est un procédé de style qui consiste à dénoncer la validité d’un énoncé en même temps qu’on le profère. L’émetteur refusant de prendre en charge et d’assumer la responsabilité de son propos.

  • La difficulté de l’ironie, c’est bien de déterminer s’il y a ou non ironie : l’émetteur assume-t-il ou non son propos ? S’exprime-t-il au premier degré ( auquel cas il n’y a pas d’ironie ) ou au second degré ( auquel cas il y a bien énoncé ironique) ?

  • L’ironie demande à être identifiée pour telle : il est utile de connaître les idées de l’auteur sur le sujet dont il traite, en termes ironiques ( ou non, c’est tout le problème de l’interprétation de l’énoncé ironique. CF. 6)

Ø  Candide – début du Chapitre III : Voltaire considère la guerre comme un des fléaux de l’humanité, l’expression la plus manifeste de l’existence du mal sur la terre. L’éloge affecté des « héros », la prétendue « légitimité » du massacre «  selon les lois du droit public » relève de l’ironie.
Dans ce deuxième cas par procédé d’antiphrase , c’est à dire en donnant à entendre que l’on pense exactement  le contraire de ce que l’on dit ( le droit, la loi, n’ayant été instaurés que pour prémunir le faible contre les abus du fort, ce à égalité de droits pour tous. )

  • Le secret de l’ironie réside donc dans la connivence établie avec le destinataire.

  1. L’ironie est l’arme du polémiste  ( celui qui manie l’argumentation polémique ) : Polein en grec : le combat - La polémique est une stratégie argumentative qui relève du combat d’idées et où l’on ne ménage ni ne respecte l’adversaire. Tous les coups, s’ils sont efficaces pour déconsidérer l’adversaire et donc ses idées, sont permis. ( Le registre polémique, catégorie de l’argumentation, est inscrit au programme de Seconde. Vous l’avez ou non traité, au choix de votre professeur étant donné l’étendue des programmes et la brièveté de l’année scolaire.)

  1. Chez Voltaire ironiser prévaut contre l’accablement : c’est euphorisant. Plaisir de secouer le joug des institutions contestées. Fonction compensatoire de la pratique de l’ironie.

Ø   Ex. Avant la Révolution, les privilèges indus de l’aristocratie, sa morgue vis à vis d’une bourgeoisie à laquelle Voltaire appartient, classe sociale montante et qui a pris conscience de sa valeur : elle détient au XVIII ° siècle l’essentiel du pouvoir économique, puisque l’aristocrate estime que travailler c’est « déroger », c’est à dire se déshonorer. Du pouvoir intellectuel aussi. Les philosophes des Lumières ont la sympathie parfois de la noblesse, mais celle-ci fait peu de cas de la littérature. Cependant c’est l’aristocratie qui détient encore, jusqu’à la Révolution, le pouvoir politique. La bourgeoisie relève du « Tiers Etat ».
Ø  Pour rappel, expérience malheureuse et marquante : le Duc de Rohan ou quand le mot d’esprit coûte cher : Rohan s’étonne : «  De Voltaire !?, Ce n’est pas un nom » -  Mon nom, Monsieur, je le commence où vos finissez le vôtre. » ( sous entendu : vous êtes le dernier rejeton d’une lignée qui s’éteint mais surtout le représentant d’une aristocratie décadente et donc moribonde). Bastonnade s’en suit, sort réservé aux valets, à ceux auxquels on ne fait pas l’honneur de régler l’affaire par un duel à l’épée, privilège exclusif de la noblesse.
Ø  Le baron de Thunder Ten Tronk – Candide, Chapitre I.

  1. L’ironie chez Voltaire vise à constituer avec le destinataire ( le lecteur) et aux dépens aux dépens de l’adversaire une communion dans le rire : la connivence sur les valeurs partagées.
Ex. Candide : - L’horreur de la guerre, de l’Inquisition…

  1. Ironiser pour Voltaire pour qui la communication, la sociabilité,
( Indifféremment en tant qu’hôte ou invité) sont des valeurs essentielles à sa conception de l’existence, c’est respecter les valeurs qui font la conversation à la française et qui fait alors figure de modèle pour l’Europe ( on y parle le français, au 18° siècle, comme on parle l’anglais aujourd’hui. On y copie avec zèle, aristocratie et bourgeoisie aisée confondues, notre « art de la conversation. » ) Il s’en suit que l’ironie procède d’un idéal mondain ( plaire en société).

Ø  Ironiser, c’est donc répondre aux exigences du bon goût : Il se manifeste, dans ce discours à demi-mot et où l’émetteur se tient en retrait par rapport à son propos, une pudeur qui préfère suggérer qu’exprimer. La figure de style qu’est la litote peut devenir dès lors un des procédés de l’ironie. ( Rappel définition : en exprimer le moins pour en signifier le plus).

Ø  Ex. Grivoiserie : « les expériences réitérées » dont Mademoiselle Cunégonde est le témoin involontaire mais néanmoins attentif, à la fin du chapitre I de Candide, considérant qu’elle « avait beaucoup de dispositions pour les sciences. »
Le badinage, ( le sujet n’est pas ici aussi grave que le problème de la guerre et du  fanatisme, les deux manifestations du mal sur terre dans le conte), relève d’une politesse qui consiste à laisser faire au lecteur la moitié du chemin : En d’autres termes, l’ironie chez Voltaire, c’est aussi offrir à son lecteur l’opportunité de se sentir intelligent.

Ø  La règle instaurée dans ce type de conversation, c’est la légèreté, voire la superficialité affectée : ne pas peser.
Ex. « Rien n’était, si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées. »   ( Incipit du chapitre III )
Ø  La frivolité contrôlée dont l’ironiste est en mesure de faire preuve
( Puisqu’il ne se met pas en avant en choisissant de n’apparaître pas dans son propos ), s’oppose à la pesanteur des «  doctes » ( doctus = savant en latin), c’est à dire des érudits ennuyeux et pesants qui accaparent la conversation pour faire la leçon à l’auditoire rendu muet, avec, cela va sans dire, la plus lourde des maladresses qui soient en la circonstance. Vous avez reconnu le personnage de Pangloss que Candide finit par faire taire
 charitablement au final : remontrance sans ironie.

Ex. « Je me flattais, dit Pangloss, de raisonner un peu avec vous des effets et des causes, du meilleur des mondes possibles, de l’origine du mal et de l’harmonie préétablie. » [ toutes questions auxquelles Voltaire estime pour sa part qu’il n’y a pas de réponse, considérant les bornes assignées à l’esprit humain par Dieu qui seul détient donc les réponses ; questions qui cependant suscitent depuis des siècles des débats selon lui aussi vains que prétentieux. ] Le derviche, à ces mots leur ferma la porte au nez.  » ( Chapitre XXX)

Ø  Il résulte de l’ironie comme idéal mondain et élément essentiel du « bon ton » ( et que Pangloss pour sa part s’obstine à ignorer ), un sentiment de supériorité dans cet accord des connaisseurs ( les gens bien appris ) aux dépens des sots. ( Pangloss est un personnage comique. )
Ø  Cela n’exclut pas bien sûr l’auto dérision qui libère l’émetteur de la tentation de la gravité ( l’esprit de sérieux de Pangloss)  :

 Ex. Chapitre III, la bataille où Candide est enrôlé de force dans les rangs bulgares: «  Candide qui tremblait comme un philosophe se cacha du mieux qu’il put pendant cette boucherie héroïque.»


  1. Ironiser, c’est affirmer chez Voltaire ( embastillé, puis banni par louis XV pour ses propos, ses écrits trop hardis dont il lui a fallu bien souvent publier anonymement à l’étranger, nier la paternité pour se sauver ) l’irrépressible liberté d’expression de l’esprit humain.

Ø  Le destinataire est laissé incertain tant l’ironie vise à déconcerter : Faut-il comprendre l’énoncé au pied de la lettre ou l’interpréter au second degré ? L’émetteur se ménageant dans son énoncé  tout loisir de nier l’intention qu’on lui prête afin de se protéger : ( Ex. « Je n’ai jamais voulu dire cela . Vous me prêtez de bien vilaines intentions ! » )

  1. Ironiser, c’est mettre l’horreur à distance : empêcher le mal d’obtenir une nouvelle victoire en terrassant l’esprit, autrement dit cette aptitude de l’homme à penser, qui le distingue de l’animal et fait qu’il n’est pas seulement instincts, besoins, pulsions; qu’il est aussi raison.

·         De Blaise Pascal, et que Voltaire a lu, ( XVII° siècle), cette définition de la dignité de l’homme dans Les Pensées : « L’homme est un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. »

Ø  Le détachement apparent de l’ironiste lui permet de refuser l’entraînement de l’émotion, d’éviter l’affaiblissement du pathos ( ou quand les émotions court-circuitent la raison : Du même Blaise Pascal, et pour rappel à la définition de la distinction Convaincre / persuader : «  Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas. » )

 Ex. Voltaire ne méprise pas le recours au registre pathétique comme alternative à l’ironie: 

Ex. Chapitre III, le village abare mis à sac par les bulgares ou le descriptif des « horreurs de la guerre » : « Ici des vieillards criblés de coups… à côté de bras et de jambes coupés. »

Ø  Il l’associe cependant à l’ironie distanciée :
Ex. « C’était un village abare que les bulgares avaient brûlé selon les lois du droit public. » ( Formule d’introduction au passage cité ci-dessus).


Ø  Le mélange des registres, la diversité du ton font l’art du conteur dont la visée est de divertir et soutenir l’attention du lecteur.
Ø  Candide est un Conte philosophique : le conte imite l’oralité. Comme s’il était fait pour être narré en société ( Cf. 5),  la voix du conteur y tient une place essentielle dans l’énoncé.

  1. L’ironie Voltairienne est l’arme privilégiée d’un homme de foi : l’arme d’une lutte au nom d’un idéal bafoué : l’idéal de tolérance ( contre le fanatisme religieux et l’esprit de persécution qui anime l’homme contre son semblable).


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